Serge Gainsbourg était-il homosexuel ?
INTERVIEW de Gilles Verlant par StreetPress - 4 Mai 2011
«Pétochar», «pro-Giscard», «homo refoulé», le biographe Gilles Verlant décrit un Serge Gainsbourg à des années-lumières de «cette image de mec super cool qu'il projetait». En plus « il n’a jamais touché à la drogue »
Serge n’a jamais joué de ses origines Juives ; sa première femme, Lise Levistky était la fille d’un SS d’origine Russe qui s’était engagé pour chasser les communistes de Russie et récupérer ses propriétés. Tu penses qu’il aurait accepté d’aller dîner au CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives) si Sarko ou Richard Prasquier l’avaient invité ?
Il ne faut jamais oublier que la famille de Serge a porté l’étoile jaune pendant la guerre. Donc, Serge a été directement victime de l’anti-sémitisme et du racisme. Qui plus est – j’ai relevé ça dans la dernière édition de la biographie , il y a quelque chose de très troublant : Quand Serge passe le cap de l’adolescence, il voit sa gueule dans un miroir avec ses grandes oreilles, ses yeux mis clos et son grand nez et au même moment, sur les murs de Paris on peut voir les affiches qui disent : Apprenez à reconnaître le Juif !
Ça, je pense que c’est un traumatisme majeur et le complexe de laideur qu’il a développé, il s’est toujours trouvé très laid – sauf sans doute avec Jane qui l’a un peu réconcilié avec son physique mais passé le cap des 40 ans – c’était lié à une trouille. Sa gueule aurait pu l’emmener en camp de concentration ! Donc, le racisme, Serge en était extrêmement conscient. En plus de ça, il avait une sorte de méfiance – raison pour laquelle il avait voulu, dans les années 70, enregistrer cet album sublimissime et méconnu mais qui a mal vieilli à cause des arrangements musicaux et qui s’appelle « Rock around the Bunker » sur lequel on trouve « SS in Uruguay » ou « Nazi Rock. » Album qui ne s’est pas vendu à l’époque car, oubliant même que Gainsbourg était juif, on ne le comprenait pas. Pourtant il était parfaitement légitime pour faire ce disque-là et certains de ses meilleurs textes sont sur ce disque.
Après ça, on se demande pourquoi Serge a composé cette marche militaire pour Israël pendant la guerre des six jours, « Le Sable d’Israël »? Pourquoi a-t-il fait cela ? D’abord, au départ on ne savait pas que cette guerre allait durer six jours, petit rappel historique ! Et au bout de deux trois jours, l’Ambassade d’Israël avait lancé un appel aux artistes Juifs Français pour soutenir le moral des troupes. Serge avait répondu favorablement et avec Michel Colombier avait torché un truc en dix minutes ; Le Sable d’Israël, enregistré à Bobino et envoyé à Tel-Aviv.
Est ce que pour autant il n’a jamais eu envie de retourner sur la terre de ses ancêtres en Russie ?
Non. D’abord il avait les chocottes car on était encore sous le régime des Bolcheviques, des Soviétiques et même après la Glasnost, il aurait pu y aller mais il ne l’a pas fait et il n’a jamais mis les pieds non plus en Israël où ses parents sont allés par contre. Son engagement était donc très limité.
Il a pris de drôles de positions parfois ; pourquoi est ce qu’il soutient Giscard en 1974 ? Pourquoi retrouve t-on son nom sur des pétitions en même temps que celui de Mireille Mathieu ou de Johnny ?
Simple, Gainsbourg était un pétochard ! Son obsession, c’étaient les Bolcheviques, les Communistes ! Il avait raison mais, au milieu des années 70 c’était mal vu ; Georges Marchais avait d’ailleurs qualifié cela d’anti-communisme primaire même si on savait ce qui se passait dans les goulags; merci Soljenitsyne ! Serge soutenait Giscard car dans l’union de la gauche, il y avait les socialistes et le parti communiste. Ça représentait pour lui un vrai danger !
Gainsbourg était un symbole d’individualisme; contrairement à d’autres artistes et collègues, il n’a jamais défilé pour mai 68 par exemple…
Sur la fin, comme disait Desproges, Serge était malade et n’aurait pas dû s’exhiber dans de tels états. Toi qui est l’un des derniers à l’avoir rencontré et interviewé, sa supposée saleté et son laisser-aller gitannesque étaient-ils des légendes urbaines ou provoquaient-ils de véritables migraines ?
Desproges avait été assez loin quand même. Il avait dit : « J’aimais bien Gainsbourg de son vivant. » Alors que Gainsbourg était vivant…! Il y a deux choses : certaines apparitions TV de Serge qui me faisaient physiquement mal, en tant que fan. Je le voyais se décomposer et je me disais: « Mais comment est-ce que ce poète et compositeur d’exception que j’aime tellement peut-il se détruire à ce point-là ?» Mais en privé, quand je l’interviewais au 5 bis rue de Verneuil – on a fait une centaine d’heure d’interview ensemble – je ne l’ai jamais vu bourré. Sauf une fois, à la sortie de « You’re Under Arrest » où il avait reçu plusieurs journalistes dans la journée et il avait picolé. Il prend un disque, le met sur sa platine vinyle qui était posée au sol et en voulant se relever, il tombe les quatre fers en l’air ! C’est la seule fois où je l’ai vu bourré. Gainsbourg était absolument charmant, adorable et attentionné. La seule chose désolante, c’est que je ressortais de chez lui avec une barre comme ça, non pas parce que j’avais picolé mais à cause de ses putains de Gitanes ! Et sur la fin, Gainsbourg qui avait dû lever le pied sur l’alcool avait retrouvé ses facultés. Il parlait plus vite, il ne se répétait pas…
Il n’en reste pas moins que ce mec est mort à 62 ans dans un état déplorable ! Là, je vais en avoir 54 et je me dis que par rapport à ses 54 ans, quand j’ai commencé à travailler avec Gainsbourg, je pense être dans un meilleur état. Mais ça fout les jetons ! « Ne buvez pas et ne fumez pas de Gitanes les enfants. » Il n’a jamais touché à la drogue cela dit. Enfin si, il a fumé un pétard une fois et ça lui a donné une telle tachycardie qu’il a flippé sa race !
Tu ne vas pas me dire que Serge était toujours blanc comme neige?
Si si. Serge n’a pas touché à la drogue, sauf cette unique fois où, alors qu’il tournait « Les Chemins de Katmandou » au Népal avec Jane Birkin, il a goûté aux spécialités locales. Mais ça l’a rendu tellement malade qu’il n’y a plus jamais touché. La drogue, il l’a vue autour de lui, il a vu ses ravages ; dans l’univers du show biz, évidemment, avec des musiciens, avec des gens de la nuit qu’il croisait…et puis, très prés de lui puisque Kate Barry (première fille de Jane Birkin) qui après ça, a monté des associations d’aide aux toxicos était dans un milieu où la défonce était monnaie courante. C’est d’ailleurs Kate qui lui a donné les mots dont il se sert dans la chanson « Aux Enfants de la Chance » qui a surpris les fans de Gainsbourg.
Alors que Serge projetait cette image de mec super cool qui incarnait la liberté de ton, d’allure – tous les mecs aujourd’hui ressemblent à Gainsbourg dans leurs cotés débraillés, pas rasés, jeans déchirés… – et donc c’était assez surprenant de la part de Serge, accroc au tabac et à l’alcool, les deux drogues majeures dans ce putain de pays, qu’il ose dire ça. Mais c’est parce que l’héroïne et tout le reste, il en avait très très peur ! Et puis il avait sous la main une certaine Bambou qu’il a aidée à sortir de l’héroïne comme elle le raconte dans le livre qu’elle a écrit il y a quelques années.
Serge a toujours raconté être ultra-porté sur le sexe et la sodomie (entre autres); pratique qu’il a toujours revendiquée et notamment au travers de Jane dans son film « Je t’aime, moi non plus.» De même, certains de ses textes, des déclarations de sa première femme (comme quoi il aurait même fait le tapin) et le physique androgyne de Jane et de Bambou peuvent laisser envisager qu’il n’était pas insensible aux charmes masculins. Alors, Serge, véritable épicurien du sexe, bi non assumé ou homo refoulé ?
Je pense que Serge a eu, il l’a raconté à la sortie de « Love on the Beat » qui contient plusieurs chansons qui évoquent directement le thème de l’homosexualité, une ou plusieurs expériences homosexuelles et ça c’est mal passé. Comme il aimait bien les détails sordides, il avait même raconté qu’il y avait eu de la merde partout et que ça ne lui avait pas plu ! Donc oui, il a peut-être essayé et effectivement Jane était très androgyne mais Serge avait une fixation qui peut être considérée par certains psychologues comme un aspect de l’attirance homosexuelle, il était attiré par les hyper femmes. C’est-à-dire qu’il a eu très tôt dans sa vie une attirance pour les grandes bourgeoises, très féminines. Il avait été très amoureux de Michèle Arnaud, très féminine, très classe, très femme, très bourgeoise (qui chante « Ne dis Rien » sur la BO d’Anna). Puis, il est tombé sur Jane, très androgyne, plate comme un garçon – c’est trop con !
Il avait une fixette sur les fesses…et puis, why not ?« Des trois orifices, je choisis dans le moins lisse d’achever de m’abandonner. » Magnifique !
Gainsbourg disait que celui qui n’a pas lu « Jésus-Christ Rastaquouere » de Picabia était un con ! Je ne te demanderais pas si tu l’as lu, par contre, crois-tu que Christophe Maé l’ait lu ?
Je pense qu’il est évident qu’une des grandes qualités de Gainsbourg c’était sa culture. Cela dit, sa culture était vaste mais centrée sur certaines époques. On était dans le Dandysme de la seconde moitié du XIXe siècle avec Huysmans, avec Baudelaire, avec Benjamin Constant…puis, avec les Dadaïstes du début du XXe, des gens comme Picabia. Je pense que Serge regrettait de ne pas être né 50 ou 100 ans plus tôt. Il est évident que quand il disait que celui qui n’a pas lu Jésus-Christ Rastaquouere de Picabia est un con, c’était de la pure provoc et du snobisme de sa part puisqu’il savait très bien que ce livre avait été tiré à mille exemplaires à l’époque et que trouver un copie de ce bouquin, bonjour ! Mais c’est vrai que cette avance qu’il avait sur la connaissance des poètes comme Rimbaud, Baudelaire et tous les autres ce n’est pas donné à tous les paroliers et ce n’est certainement pas donné à tous les artistes qu’on entend bêler dans le Top 50.
Toi qui a dû tout entendre et tout lire sur Serge, parfois hilare ou navré, quelle est la question la plus conne qu’on t’ait posée sur lui ?
(rires) La question la plus conne qu’on m’ait posée sur Gainsbourg ?! Là, ça mérite que je réfléchisse… On me pose souvent des questions clichés : Quels sont les héritiers de Gainsbourg ? Est ce qu’on va faire un musée de son hôtel particulier du 5 bis rue de Verneuil ? Est ce que Serge nous a laissé des chansons inédites ? Celles-là, j’en ai jusque-là !
Mais il y a encore des questions qui dénotent une certaine agressivité et ça, j’adore ! Gainsbourg n’a jamais été et ne sera jamais consensuel. Il n’y aura jamais une sorte d’adoration aveugle. Il y a trop de gens qui détestent encore instinctivement dans leurs tripes ce que Gainsbourg représentait. Et ça, c’est formidable ! Il faut que ça continue ; soyez de plus en plus nombreux à détester Gainsbourg parce qu’il ne faut surtout pas qu’il devienne un produit de consommation courante. Il y a plein d’artiste dont on dit aujourd’hui : « Ah, Jacques Brel ! L’immense poète, etc.… »
Jacques Brel a fait des chansons merdiques, il a fait des textes nazes, il a commis l’épouvantable « Ne me quitte pas » et aujourd’hui, Jacques Brel est déifié… Surtout, que cela n’arrive jamais à Gainsbourg ! Faut pas le déifier lui, surtout pas.
Serge n’a jamais joué de ses origines Juives ; sa première femme, Lise Levistky était la fille d’un SS d’origine Russe qui s’était engagé pour chasser les communistes de Russie et récupérer ses propriétés. Tu penses qu’il aurait accepté d’aller dîner au CRIF (Conseil Représentatif des Institutions Juives) si Sarko ou Richard Prasquier l’avaient invité ?
Il ne faut jamais oublier que la famille de Serge a porté l’étoile jaune pendant la guerre. Donc, Serge a été directement victime de l’anti-sémitisme et du racisme. Qui plus est – j’ai relevé ça dans la dernière édition de la biographie , il y a quelque chose de très troublant : Quand Serge passe le cap de l’adolescence, il voit sa gueule dans un miroir avec ses grandes oreilles, ses yeux mis clos et son grand nez et au même moment, sur les murs de Paris on peut voir les affiches qui disent : Apprenez à reconnaître le Juif !
Ça, je pense que c’est un traumatisme majeur et le complexe de laideur qu’il a développé, il s’est toujours trouvé très laid – sauf sans doute avec Jane qui l’a un peu réconcilié avec son physique mais passé le cap des 40 ans – c’était lié à une trouille. Sa gueule aurait pu l’emmener en camp de concentration ! Donc, le racisme, Serge en était extrêmement conscient. En plus de ça, il avait une sorte de méfiance – raison pour laquelle il avait voulu, dans les années 70, enregistrer cet album sublimissime et méconnu mais qui a mal vieilli à cause des arrangements musicaux et qui s’appelle « Rock around the Bunker » sur lequel on trouve « SS in Uruguay » ou « Nazi Rock. » Album qui ne s’est pas vendu à l’époque car, oubliant même que Gainsbourg était juif, on ne le comprenait pas. Pourtant il était parfaitement légitime pour faire ce disque-là et certains de ses meilleurs textes sont sur ce disque.
Après ça, on se demande pourquoi Serge a composé cette marche militaire pour Israël pendant la guerre des six jours, « Le Sable d’Israël »? Pourquoi a-t-il fait cela ? D’abord, au départ on ne savait pas que cette guerre allait durer six jours, petit rappel historique ! Et au bout de deux trois jours, l’Ambassade d’Israël avait lancé un appel aux artistes Juifs Français pour soutenir le moral des troupes. Serge avait répondu favorablement et avec Michel Colombier avait torché un truc en dix minutes ; Le Sable d’Israël, enregistré à Bobino et envoyé à Tel-Aviv.
Est ce que pour autant il n’a jamais eu envie de retourner sur la terre de ses ancêtres en Russie ?
Non. D’abord il avait les chocottes car on était encore sous le régime des Bolcheviques, des Soviétiques et même après la Glasnost, il aurait pu y aller mais il ne l’a pas fait et il n’a jamais mis les pieds non plus en Israël où ses parents sont allés par contre. Son engagement était donc très limité.
Il a pris de drôles de positions parfois ; pourquoi est ce qu’il soutient Giscard en 1974 ? Pourquoi retrouve t-on son nom sur des pétitions en même temps que celui de Mireille Mathieu ou de Johnny ?
Simple, Gainsbourg était un pétochard ! Son obsession, c’étaient les Bolcheviques, les Communistes ! Il avait raison mais, au milieu des années 70 c’était mal vu ; Georges Marchais avait d’ailleurs qualifié cela d’anti-communisme primaire même si on savait ce qui se passait dans les goulags; merci Soljenitsyne ! Serge soutenait Giscard car dans l’union de la gauche, il y avait les socialistes et le parti communiste. Ça représentait pour lui un vrai danger !
Gainsbourg était un symbole d’individualisme; contrairement à d’autres artistes et collègues, il n’a jamais défilé pour mai 68 par exemple…
Sur la fin, comme disait Desproges, Serge était malade et n’aurait pas dû s’exhiber dans de tels états. Toi qui est l’un des derniers à l’avoir rencontré et interviewé, sa supposée saleté et son laisser-aller gitannesque étaient-ils des légendes urbaines ou provoquaient-ils de véritables migraines ?
Desproges avait été assez loin quand même. Il avait dit : « J’aimais bien Gainsbourg de son vivant. » Alors que Gainsbourg était vivant…! Il y a deux choses : certaines apparitions TV de Serge qui me faisaient physiquement mal, en tant que fan. Je le voyais se décomposer et je me disais: « Mais comment est-ce que ce poète et compositeur d’exception que j’aime tellement peut-il se détruire à ce point-là ?» Mais en privé, quand je l’interviewais au 5 bis rue de Verneuil – on a fait une centaine d’heure d’interview ensemble – je ne l’ai jamais vu bourré. Sauf une fois, à la sortie de « You’re Under Arrest » où il avait reçu plusieurs journalistes dans la journée et il avait picolé. Il prend un disque, le met sur sa platine vinyle qui était posée au sol et en voulant se relever, il tombe les quatre fers en l’air ! C’est la seule fois où je l’ai vu bourré. Gainsbourg était absolument charmant, adorable et attentionné. La seule chose désolante, c’est que je ressortais de chez lui avec une barre comme ça, non pas parce que j’avais picolé mais à cause de ses putains de Gitanes ! Et sur la fin, Gainsbourg qui avait dû lever le pied sur l’alcool avait retrouvé ses facultés. Il parlait plus vite, il ne se répétait pas…
Il n’en reste pas moins que ce mec est mort à 62 ans dans un état déplorable ! Là, je vais en avoir 54 et je me dis que par rapport à ses 54 ans, quand j’ai commencé à travailler avec Gainsbourg, je pense être dans un meilleur état. Mais ça fout les jetons ! « Ne buvez pas et ne fumez pas de Gitanes les enfants. » Il n’a jamais touché à la drogue cela dit. Enfin si, il a fumé un pétard une fois et ça lui a donné une telle tachycardie qu’il a flippé sa race !
Tu ne vas pas me dire que Serge était toujours blanc comme neige?
Si si. Serge n’a pas touché à la drogue, sauf cette unique fois où, alors qu’il tournait « Les Chemins de Katmandou » au Népal avec Jane Birkin, il a goûté aux spécialités locales. Mais ça l’a rendu tellement malade qu’il n’y a plus jamais touché. La drogue, il l’a vue autour de lui, il a vu ses ravages ; dans l’univers du show biz, évidemment, avec des musiciens, avec des gens de la nuit qu’il croisait…et puis, très prés de lui puisque Kate Barry (première fille de Jane Birkin) qui après ça, a monté des associations d’aide aux toxicos était dans un milieu où la défonce était monnaie courante. C’est d’ailleurs Kate qui lui a donné les mots dont il se sert dans la chanson « Aux Enfants de la Chance » qui a surpris les fans de Gainsbourg.
Alors que Serge projetait cette image de mec super cool qui incarnait la liberté de ton, d’allure – tous les mecs aujourd’hui ressemblent à Gainsbourg dans leurs cotés débraillés, pas rasés, jeans déchirés… – et donc c’était assez surprenant de la part de Serge, accroc au tabac et à l’alcool, les deux drogues majeures dans ce putain de pays, qu’il ose dire ça. Mais c’est parce que l’héroïne et tout le reste, il en avait très très peur ! Et puis il avait sous la main une certaine Bambou qu’il a aidée à sortir de l’héroïne comme elle le raconte dans le livre qu’elle a écrit il y a quelques années.
Serge a toujours raconté être ultra-porté sur le sexe et la sodomie (entre autres); pratique qu’il a toujours revendiquée et notamment au travers de Jane dans son film « Je t’aime, moi non plus.» De même, certains de ses textes, des déclarations de sa première femme (comme quoi il aurait même fait le tapin) et le physique androgyne de Jane et de Bambou peuvent laisser envisager qu’il n’était pas insensible aux charmes masculins. Alors, Serge, véritable épicurien du sexe, bi non assumé ou homo refoulé ?
Je pense que Serge a eu, il l’a raconté à la sortie de « Love on the Beat » qui contient plusieurs chansons qui évoquent directement le thème de l’homosexualité, une ou plusieurs expériences homosexuelles et ça c’est mal passé. Comme il aimait bien les détails sordides, il avait même raconté qu’il y avait eu de la merde partout et que ça ne lui avait pas plu ! Donc oui, il a peut-être essayé et effectivement Jane était très androgyne mais Serge avait une fixation qui peut être considérée par certains psychologues comme un aspect de l’attirance homosexuelle, il était attiré par les hyper femmes. C’est-à-dire qu’il a eu très tôt dans sa vie une attirance pour les grandes bourgeoises, très féminines. Il avait été très amoureux de Michèle Arnaud, très féminine, très classe, très femme, très bourgeoise (qui chante « Ne dis Rien » sur la BO d’Anna). Puis, il est tombé sur Jane, très androgyne, plate comme un garçon – c’est trop con !
Il avait une fixette sur les fesses…et puis, why not ?« Des trois orifices, je choisis dans le moins lisse d’achever de m’abandonner. » Magnifique !
Gainsbourg disait que celui qui n’a pas lu « Jésus-Christ Rastaquouere » de Picabia était un con ! Je ne te demanderais pas si tu l’as lu, par contre, crois-tu que Christophe Maé l’ait lu ?
Je pense qu’il est évident qu’une des grandes qualités de Gainsbourg c’était sa culture. Cela dit, sa culture était vaste mais centrée sur certaines époques. On était dans le Dandysme de la seconde moitié du XIXe siècle avec Huysmans, avec Baudelaire, avec Benjamin Constant…puis, avec les Dadaïstes du début du XXe, des gens comme Picabia. Je pense que Serge regrettait de ne pas être né 50 ou 100 ans plus tôt. Il est évident que quand il disait que celui qui n’a pas lu Jésus-Christ Rastaquouere de Picabia est un con, c’était de la pure provoc et du snobisme de sa part puisqu’il savait très bien que ce livre avait été tiré à mille exemplaires à l’époque et que trouver un copie de ce bouquin, bonjour ! Mais c’est vrai que cette avance qu’il avait sur la connaissance des poètes comme Rimbaud, Baudelaire et tous les autres ce n’est pas donné à tous les paroliers et ce n’est certainement pas donné à tous les artistes qu’on entend bêler dans le Top 50.
Toi qui a dû tout entendre et tout lire sur Serge, parfois hilare ou navré, quelle est la question la plus conne qu’on t’ait posée sur lui ?
(rires) La question la plus conne qu’on m’ait posée sur Gainsbourg ?! Là, ça mérite que je réfléchisse… On me pose souvent des questions clichés : Quels sont les héritiers de Gainsbourg ? Est ce qu’on va faire un musée de son hôtel particulier du 5 bis rue de Verneuil ? Est ce que Serge nous a laissé des chansons inédites ? Celles-là, j’en ai jusque-là !
Mais il y a encore des questions qui dénotent une certaine agressivité et ça, j’adore ! Gainsbourg n’a jamais été et ne sera jamais consensuel. Il n’y aura jamais une sorte d’adoration aveugle. Il y a trop de gens qui détestent encore instinctivement dans leurs tripes ce que Gainsbourg représentait. Et ça, c’est formidable ! Il faut que ça continue ; soyez de plus en plus nombreux à détester Gainsbourg parce qu’il ne faut surtout pas qu’il devienne un produit de consommation courante. Il y a plein d’artiste dont on dit aujourd’hui : « Ah, Jacques Brel ! L’immense poète, etc.… »
Jacques Brel a fait des chansons merdiques, il a fait des textes nazes, il a commis l’épouvantable « Ne me quitte pas » et aujourd’hui, Jacques Brel est déifié… Surtout, que cela n’arrive jamais à Gainsbourg ! Faut pas le déifier lui, surtout pas.
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